Nicolas de Tavernost, président du directoire du groupe M6, se dit prêt à basculer Paris Première en gratuit dans un entretien publié en intégralité jeudi 28 juillet 2011 dans Le Figaro.
Le groupe audiovisuel privé a annoncé hier un recul de 3 % de son chiffre d’affaires.
Comment expliquez-vous la hausse de 5,3 % des recettes publicitaires de M6 ?
« Le groupe est dans un cercle vertueux : celui qui consiste à investir dans les programmes pour améliorer la qualité de notre offre pour toutes nos chaînes (M6, W9, Teva, Paris Première…) et donc faire croître notre audience et rendre ainsi nos chaînes incontournables pour les annonceurs.
Dans un marché pub de la télé en décroissance de près de 100 millions d’euros sur les quatre dernières années, nous avons augmenté nos recettes publicitaires (+ 3,1 %) de 13 millions. Au premier semestre 2011, le marché est stable et le groupe M6 réalise 6,2 % de croissance atteignant une part de marché de plus de 24 %. Ces chiffres reflètent nos scores d’audience : M6 est ainsi la seule chaîne historique à avoir progressé cette année à 10,5 % de part d’audience. Si la durée pub a légèrement diminué, en revanche, nous avons pu augmenter nos tarifs de près de 11 %, en parallèle de nos audiences. »
Vous aviez annoncé en 2010 une hausse du coût de grille de vos chaînes. Cette stratégie va se poursuivre ?
« Nous avions annoncé une augmentation du coût de grille de la chaîne M6 de 5 % en 2011, ce qui reste notre prévision. Sur le 1er semestre, l’augmentation est de 2,3 % et de très beaux programmes sont prévus pour la rentrée. De même, le coût de grille de W9 a significativement augmenté au cours des deux dernières années.
C’est une stratégie payante : M6 a été régulièrement leader le vendredi soir au cours du 1er semestre et le devient aussi le lundi soir avec son programme à succès «L’amour est dans le pré». Nous nous félicitons d’avoir gagné en deux ans 400 000 téléspectateurs sur notre JT «Le 19.45», d’en rassembler entre 3 et 4 millions devant «Scènes de ménages» et d’atteindre 6,3 millions, comme lundi dernier avec «L’amour est dans le pré». Nous ne sommes pas dans une logique de réduction de coûts mais dans une position offensive d’investissements dans les programmes. »
Vous avez connu des contre-performances comme «X-Factor» et actuellement la série «Soda»….
« X-Factor est une déception d’autant plus forte que nous ne comprenons pas bien l’échec de cette émission alors qu’au même moment, le programme diffusé en Belgique avait très bien marché. Quant à Soda, c’est un programme de fiction d’été à destination des jeunes et, de ce point de vue, l’émission remplit bien sa mission. Ce qui compte pour une grille de programmes, c’est la récurrence de ses succès qui se crée grâce à des marques bien installées. C’est le cas pour le groupe M6. »
Les revenus de vos diversifications baissent. Ces activités doivent-elles être restructurées ?
« Notre groupe repose sur deux piliers : le principal, la publicité, qui a dépassé le niveau de l’avant-crise de 2008, et les diversifications, qui ont été en 2009 un soutien de notre activité. Il n’est pas question de revenir sur cet équilibre. Même si la rentabilité, pour certaines d’entre elles, est moindre, ces diversifications continuent de gagner de l’argent y compris dans la vente à distance. De plus, nos activités Internet progressent fortement et notre filiale Interactions (musique, licences) s’est bien redéployée. De son côté, le département Droits audiovisuels, en légère baisse au 1er semestre, est soumis à la saisonnalité des sorties cinéma. Il reste les Girondins, qui ont connu des difficultés. Nous avons réduit la masse salariale en conséquence et nous espérons que le nouveau stade de Bordeaux nous permettra, à moyen terme, d’augmenter nos ressources propres par rapport aux droits télé. »
Votre trésorerie atteint 282 millions d’euros. Allez-vous investir ?
« Nous attendons arme au pied des opportunités pour continuer à nous développer dans la télévision. Pour cela, il faudrait qu’il y ait des ventes ou des autorisations qui soient proposées et données. Nous sommes aussi prêts à nous développer dans la production. »
TF1 a demandé le passage de LCI en gratuit. Comptez-vous réagir ?
« Nous avions anticipé cette éventualité puisque, dès le 28 mai dernier, nous saisissions le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour lui dire que, si les règles d’attribution de fréquences changeaient, nous serions intéressés à faire passer Paris Première en gratuit. Jusqu’à présent, l’application de la loi n’avait pas prévu le passage du payant au gratuit. Si la doctrine change et si, comme il le semblerait, le critère essentiel de la fluidité entre payant et gratuit était celui de la diversité et de la qualité des programmes, alors notre chaîne serait la solution. Contrairement à l’info où plusieurs chaînes existent, Paris Première, avec son public de CSP +, est réellement une offre complémentaire, sans équivalent en gratuit, et la chaîne fait vivre la création. Nous sommes prêts à prendre des engagements en faveur de cette dernière. Dans l’attente de la réponse du CSA, nous avons conclu un nouvel accord avec CanalSat pour ne pas hypothéquer l’avenir de nos chaînes. »
Avez-vous changé de position concernant le lancement de nouvelles chaînes sur la TNT ?
« Pas du tout. S’il devait y en avoir de nouvelles, nous ne serions pas les plus mal placés pour les réussir. Mais nous demandons de la cohérence. Le marché est encombré en France et n’est pas élastique sur le plan publicitaire. Aussi, réduire les coûts des chaînes existantes pour en créer de nouvelles me paraît absurde ! Il serait donc judicieux de faire une pause. Cela permettrait aux acteurs d’améliorer la qualité de leur offre de programmes (plus de programmes originaux et moins de rediffusions) – ce que demandent les Français -, de leurs services numériques (télévision de rattrapage…) et de diffusion (HD…). Ce serait d’ailleurs la meilleure manière de résister à l’arrivée prochaine de la télévision connectée. In fine, notre position est simple : une pause dans la création de chaînes paraît utile, mais si ce n’était pas le choix des pouvoirs publics, le groupe M6 a des droits à faire valoir et des compétences, éprouvées, à mettre en valeur. »
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