Francis Mer, ancien ministre de l’Economie et des Finances, président du Conseil de surveillance de Safran, était l’invité du « 12-15 » sur BFM Business.
BFM Business : Est-ce que vous pensez que la zone euro, est toujours en danger malgré le plan de sauvetage adopté hier sur l’Irlande ?
Francis Mer : D’abord vous faites bien de parler de la « zone euro » et non pas de « l’euro », parce que ce n’est pas une monnaie qui est en danger, c’est la participation à une monnaie commune qui s’appelle l’euro.
Il est clair que le choc irlandais, qui a été maîtrisé à travers les décisions récentes, est une démonstration supplémentaire que nous avons besoin, dans une zone monétaire, d’avoir des règles communes, et que jusqu’à présent ces règles on les apprend uniquement à travers les crises.
« Je suis très heureux moi de la crise, parce qu’elle est en train d’amener les pays à découvrir que ce qu’ils n’avaient pas voulu faire au moment de la fondation de l’euro, ils sont amenés à le faire maintenant »
Donc je suis très heureux moi de la crise, parce qu’elle est en train d’amener les pays à découvrir que ce qu’ils n’avaient pas voulu faire au moment de la fondation de l’euro, ils sont amenés à le faire maintenant parce qu’ils tiennent à l’euro.
Si l’euro ne tenait pas, au sens « zone euro », l’Europe serait un rêve évanoui, et je pense qu’aucun homme, femme, responsable politique, peut prendre actuellement un tel risque devant l’histoire.
BFM Business : Cela dit, est-ce que ce serait vraiment l’explosion de l’euro, la fin de la zone euro, si un pays ou deux quittaient la zone momentanément ?
Francis Mer : Tout cela c’est de la plaisanterie car derrière la zone euro, il y a un projet commun qui s’appelle l’Europe. Rentrer, sortir de l’Europe ne me paraît pas une formule valable au sens politique du terme.
C’est quand même une des grandes décisions qui a permis à un certain nombre de pays en Europe de mettre en commun leur futur. Je me permets d’insister sur la responsabilité politique qu’il y a derrière, sachant que c’est l’économie qui a besoin d’être régulée, y compris l’économie financière, pour que la transformation de dette privée en dette souveraine, qui a été à l’origine de la crise irlandaise, soit moins facilement faisable dans le futur.
Quand vous découvrez quand même, pour prendre le petit exemple irlandais, que les trois banques irlandaises qui sont à l’origine de cette crise, ça n’est absolument pas le gouvernement irlandais, sauf défaut de régulation de son système bancaire, mais ces trois banques ont pu développer des politiques un peu audacieuses uniquement avec l’argent des autres. L’argent des autres, c’est-à-dire l’argent des Allemands, des Anglais, des Français, puisqu’il y a eu 150 milliards d’euros prêtés par des banques allemandes, 150 milliards prêtés par des banques anglaises et un petit 50 milliards prêté par les banques françaises.
En France pendant longtemps on a dit : « l’Allemagne paiera ».
Donc c’était un problème purement économique qui est devenu un problème politique de la zone euro parce que le système économique n’avait pas été suffisamment régulé. Je répète, j’aime cette crise, parce qu’elle va enfin nous obliger à découvrir ce que nous devons faire pour continuer à être ensemble dans l’Europe.
BFM Business : Justement qu’est-ce qu’il faut faire ? Vous qui avez été ministre des Finances, qu’en pensez-vous ? Là on est toujours dans la gouvernance économique mais par exemple créer des eurosbonds, comme l’a suggéré hier soir Jean-Claude Juncker, est-ce que c’est une bonne idée ?
Francis Mer : Je pense que si un jour ces eurobonds, ces « euro-obligations « pour parler français, sont créées, elles démontreront de manière concrète que l’Europe existe parce qu’elle est solidaire, dans des conditions plus ou moins compliquées à mettre en œuvre etc. Mais le principe de solidarité, selon moi, me paraît un principe fondamental de construction et de du future construction de l’Europe. Et à travers les crises on se rend bien compte que la solidarité finie par jouer, même si spontanément certains pays, je parle notamment de l’Allemagne, n’ont pas envie de voir l’histoire se répéter. Je me permets de nous rappeler, du moins aux jeunes, qu’en France pendant longtemps on a dit : « l’Allemagne paiera ». C’est passé tout ça, la page a été tournée, et nous avons besoin ensemble de nous retrouver solidaires, ce qui ne veut pas dire irresponsables.
Donc il faut une certaine solidarité et je pense que l’initiative de Giulio Tremonti et mon ami Juncker est peut-être un peu prématurée au sens de la mise en œuvre mais elle est bonne, parce que c’est un témoignage supplémentaire que les Européens politiquement ont envie de continuer à construire leur Europe.
M. Schaüble, ministre des Finances de très grande qualité en Allemagne, a rappelé qu’il fallait modifier beaucoup de choses si on voulait aller dans cette direction. On est tous d’accord pour dire qu’il faudra les modifier. J’espère qu’on aura à un certain moment la capacité et l’audace d’aller dans cette direction.
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