Jean-Paul Baudecroux, 65 ans, Fondateur et principal actionnaire du groupe NRJ, évoque dans Libération les débuts de sa radio et l’aventure et de la bande FM. Extrait
«La radio est un amour de jeunesse : à 20 ans, j’accompagnais un ami, pigiste à Europe 1, à tous ses reportages. Je portais son Nagra. Je m’étais déjà mis en tête d’avoir ma radio. J’avais même pensé édifier un émetteur sur l’île anglo-normande de Sark ! Une idée, disons, iconoclaste. En 1974, Giscard a été élu.
« n’importe qui pouvait lancer sa radio »
J’ai écrit à l’Elysée pour expliquer mon projet de radio FM en Ile-de-France. J’ai reçu une fin de non-recevoir, et trois ans plus tard, les peines pour ceux qui émettaient clandestinement ont été renforcées… Puis il y a eu l’affaire Riposte, la radio pirate du PS, sur laquelle Mitterrand s’était exprimé. Enfin, j’allais pouvoir réaliser mon rêve.
«En 1981, je suis allé visiter Radio Cité future. C’était près des Halles, à Paris, dans des locaux magnifiques, avec du super matériel : des millions avaient été investis. Mon rêve s’écroulait. Juste après, je suis allé voir Radio ivre [future Nova].
Une fille à moitié nue m’a ouvert. La radio émettait depuis un appartement, avec l’émetteur dans la baignoire, le câble coaxial qui sortait par la fenêtre de la salle de bain, une petite console et une platine moins bien que la mienne ! J’ai retrouvé mon optimisme naturel. Grâce à Radio Ivre, je n’ai pas renoncé à lancer NRJ !
Le 11 mai, je me suis mis au travail. Dès l’élection de Mitterrand, n’importe qui pouvait lancer sa radio. Il fallait surtout un bon site de diffusion. Ma mère et ma sœur m’ont trouvé un studio de 20 m2, au 10e étage rue du Télégraphe, près des Buttes-Chaumont. Elles avaient dit à la concierge que c’était pour loger un écrivain qui voulait une belle vue sur Paris ! La console était posée sur l’évier de la kitchenette ; l’émetteur, dans la baignoire. L’équipe était bénévole. On a peu dormi.
«Et puis à la rentrée 81, j’ai été très déçu. Mitterrand, qui ne voulait pas créer de conflit avec son Premier ministre, Pierre Mauroy, qui martelait «pas de radio fric !», a interdit la publicité. D’un côté, on nous donnait le droit d’émettre, et de l’autre, on nous enlevait le droit de vivre ! Du coup on diffusait de la pub clandestine. Je me suis fait remonter les bretelles par Michèle Cotta, qui présidait la Haute Autorité [l’ancêtre du CSA].
Disons que j’ai anticipé la loi qui a autorisé la pub, trois ans plus tard. Jusque-là, il a fallu durer. Je tenais sur mes économies, et grâce à l’investissement de ma mère et ma sœur. Ça nous a coûté 30 000 euros. Il faudrait bien plus aujourd’hui pour lancer sa radio ».
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