Une enquête TNS-Sofres, publiée mercredi 8 juin 2011 par le quotidien Les Echos révèle que de plus en plus de Français se détournent de la Bourse.
Pierre-Cyrille Hautcœur, directeur d’études à l’EHESS, économiste et historien interrogé par Le Monde explique ce phénomène. Extrait.
Pierre-Cyrille Hautcœur : « Tout d’abord, il faut être prudent sur ce chiffre de 2,2 millions de petits porteurs en moins depuis 2008 (estimation issue de l’étude Sofia sur les actionnaires individuels, hors actionnariat salarié).
Une partie des gens qui ont l’habitude de détenir des actions en direct sont des personnes âgées, alors que les jeunes sont plus habitués à passer par des intermédiaires Il y a donc un effet d’âge : au fur et à mesure que les générations se renouvellent, il y a un effet d’intermédiation de l’investissement boursier.
« L’investissement à travers des intermédiaires
n’a pas l’air d’augmenter »
Maintenant, cet investissement à travers des intermédiaires n’a pas l’air d’augmenter et semble même régresser. Ce qui suggère qu’il y a une désaffection pour le placement boursier en lui-même.
Les auteurs de l’enquête l’expliquent par les replis boursiers de ces dernières semaines.
Il me semble que c’est un phénomène qui doit être regardé sur une période plus longue.
Dans les dernières décennies, il y a eu une extension très grande du nombre d’actionnaires pendant la grande période des privatisations, dans les années 1986-1988 notamment.
A plusieurs reprises, il y a eu plus de un million de nouveaux actionnaires d’un coup. Jusqu’à la fin des années 1990, cela a fonctionné puisque les performances boursières étaient très élevées. C’était un cercle vertueux : les gens plaçaient de l’argent en Bourse, ils y gagnaient, donc ils en plaçaient d’avantage et incitaient ceux qui ne l’avaient pas fait à investir en Bourse.
Il y avait quelques crises boursières de temps en temps mais les gens avaient le sentiment que c’était cela la modernité. C’était une période faste. Ces dix dernières années, ce n’est plus le cas.
Les gens ont constaté avec la grande crise boursière des années 2000 et la crise financière de 2007-2008, qu’en moyenne ils ne gagnaient plus d’argent. Et ceux qui ont investi juste avant, à la fin des années 1990, ont souvent perdu beaucoup.
Depuis, cela n’a pas réellement repris et cela fluctue énormément. Il y a donc le risque mais pas le rendement, puisqu’il n’y a plus de tendance à la hausse. Il n’est donc pas surprenant que les épargnants préfèrent aller vers des produits moins risqués (épargne liquide, assurance-vie).
Plus généralement, si l’on regarde les cent cinquante dernières années, il y a eu des périodes fastes et beaucoup de périodes néfastes pour l’investissement boursier en France, à cause notamment des guerres et de l’inflation.
De fait, l’investissement boursier en France n’a pas donné les mêmes résultats que ce qu’il a donné aux Etats-Unis, où les rendements étaient très élevés en moyenne sur le long terme. On ne peut donc être très surpris que le nombre d’enthousiastes soit moindre en France ».
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