LeMédiascope.fr a rencontré Jean Marc Sylvestre, auteur de « Petites leçons d’économie à la portée de tous », succès de librairie, édité chez Buchet – Chastel. Entretien
LeMédiascope.fr : Jean-Marc Sylvestre, pensez-vous que les Français comprennent la mondialisation ?
« Le consommateur fait des choix qui sont en général opposés et contraires à son intérêt de salarié»
LeMédiascope.fr : Y a t-il une contradiction à aller faire ses courses dans un hypermarché et être dans le même temps, contre la mondialisation ?
Jean-Marc Sylvestre: Lorsque les consommateurs vont dans un hypermarché, ils achètent massivement des produits importés. Je cite toujours cette anecdote très significative : je suis originaire d’Alençon qui était le fief de Moulinex. L’empire de l’électroménager a du fermer ses portes pour cause de délocalisation, de concurrence étrangère et de non prévoyance, ce qui est une responsabilité du chef d’entreprise. Je rencontre une famille d’ouvriers de chez Moulinex dans un hypermarché de la ville, l’ouvrier m’interpelle en disant « il faut faire quelque chose, c’est très grave, nous allons perdre nos emplois, perdre notre activité, je ne sais pas ce que seront nos enfants. » Ils avaient raison, c’était une catastrophe. Ils avaient dans le caddie, un four à micro-ondes de marque Daewoo. Je leur ai demandé pourquoi ils avaient acheté un four à micro-ondes Daewoo, ils me donnent trois raisons qui ont guidé leur choix : la première est qu’ils savent comment sont fabriqués les fours à micro-ondes Moulinex, et ils n’ont pas confiance en cette marque, la seconde est que ce fabricant français est beaucoup plus cher, la dernière est que le four Daewoo est beaucoup plus pratique à utiliser. Le consommateur fait des choix qui sont en général opposés et contraires à son intérêt de salarié. On ne peut pas lui en vouloir, il se défend comme il peut.
LeMédiascope.fr : Pensez-vous qu’un effort de pédagogie pourrait faire en sorte que la mondialisation soit mieux perçue, mieux comprise ?
LeMédiascope.fr : Pensez-vous que la mondialisation ait besoin de règles ?
LeMédiascope.fr : Dans votre livre, vous écrivez : « Alors que la France interdit les jeux d’argent en ligne sur Internet, Bruxelles nous reproche de maintenir des situations de monopole comme pour la généralisation du livret A. » trouvez-vous que la France joue le jeu de la concurrence ?
Jean-Marc Sylvestre : Pas toujours non. Mais la France n’est pas le seul pays à se protéger. Tous les pays, même les pays les plus libéraux se protègent. Les Etats-Unis se protègent un maximum, L’Angleterre, le pays le plus libéral qui soit dans le monde, vient de nationaliser une banque qui était en difficulté. Le libéralisme aurait voulu que l’Angleterre laisse tomber cette banque.
LeMédiascope.fr : Concernant l’euro, vous écrivez : « Les Français vont continuer d’accuser l’euro fort de les asphyxier mais en vérité c’est l’euro qui démasque le laxisme de nos gouvernants, pour ne pas dire leur lâcheté budgétaire. » Pensez-vous que les Français comprennent le décalage auquel vous faîtes référence ?
Jean-Marc Sylvestre : Je ne suis pas sûr qu’ils le comprennent, en tout cas les hommes politiques ne font pas les efforts suffisants pour leur faire comprendre.
LeMédiascope.fr : Total, Michelin, LVMH, Danone, Crédit Agricole, BNP etc…. sont très performantes sur les marchés internationaux. Pourtant la France n’arrive qu’au 18ème rang mondial de la compétitivité. Que faudrait -il faire pour que la France marque des points dans ce domaine ?
« Une des façons de baisser le coût du travail, c’est d’augmenter la productivité du travail. Comment augmenter la productivité du travail ? en travaillant plus, en donnant des heures supplémentaires ».
LeMédiascope.fr : Pensez-vous que les mesures prises par le gouvernement vont dans ce sens ?
Jean-Marc Sylvestre : Il n’y pas un gouvernement de l’histoire de France qui a fait autant de réformes dans une période aussi courte. Alors il en paye le prix, dans sa popularité, sa notoriété etc… les Français ont du mal à supporter, mais on ne peut pas dire que ce gouvernement soit resté inactif. Il a un objectif, c’est de faire rentrer la France à la fois dans la modernité, d’où cette politique d’innovation qui est quand même relativement forte, dans la création de biodiversité, les crédits d’impôt pour la recherche etc… et aussi dans la compétitivité de la mondialisation en baissant son coût du travail. Et une des façons de baisser le coût du travail, c’est d’augmenter la productivité du travail. Comment augmenter la productivité du travail ? en travaillant plus, en donnant des heures supplémentaires.
Jean-Marc Sylvestre : C’est une mesure qui ne présentera pas beaucoup d’économies budgétaires, Je pense qu’en s’attaquant aux niches fiscales il va se créer beaucoup de polémiques et de querelles avec les lobbies.
LeMédiascope.fr : Le baril de pétrole est à 120 dollars. La France est-elle à l’abri de risques économiques importants liés à la hausse du prix du pétrole, du fait de son avance dans le secteur du nucléaire ?
Jean-Marc Sylvestre : la France a un train d’avance dans ce domaine. Mais je pense qu’avec un baril de pétrole à 120 dollars aujourd’hui, on est quasiment obligés de lancer des investissements, de produire des énergies alternatives. Il n’y a que deux grandes sortes d’énergies alternatives : Le nucléaire dans une proportion relativement marginale, et toutes les énergies renouvelables, naturelles, c’est à dire le soleil, l’eau chaude, le vent. Si on investissait, ce qui est un peu le but du Grenelle de l’environnement, dans les énergies renouvelables, naturelles, autant qu’on a investi dans le nucléaire, à terme de 25 ou 30 ans… une des ressources en matière énergétique ce sont les économies d’énergie que l’on peut faire, notamment sur le parc de logement. On a à peu près un ou deux millions de logements qui sont complètement des épaves environnementales. On pourrait consommer beaucoup moins d’énergie sur les logements, les ampoules, il y a tout un business « vert » à mettre en place sur lequel nous sommes en retard. Il ne faut pas attendre ça du gouvernement, c’est le marché qui doit donner des signaux aux entreprises pour qu’elles le fassent.
Jean-Marc Sylvestre : c’est sûr. Mais les biocarburants sont condamnés. Quand on fabrique du biocarburant, on ne fabrique plus de produits agro-alimentaires dont on a besoin pour équilibrer les coûts. Il n’y a que le Brésil qui utilise son biocarburant à des fins internes et qui peut continuer à fabriquer du biocarburant Les pays occidentaux auront du mal à le faire.
Jean Marc Sylvestre rédacteur en chef à TF1 et chroniqueur sur France Inter, est l’auteur d’un nouveau livre, co-écrit avec Olivier Pastré, à paraître ces prochains jours.
Partager : |
|
Tweet |
|
|
|