L’économiste Marc Touati est revenu vendredi 16 septembre 2011 sur la dégradation de deux banques françaises par l’agence de notation Moody’s intervenue cette semaine.
Marc Touati : Si la dégradation des banques françaises par Moody’s était attendue, celle qui a finalement été décidée est loin d’être aussi catastrophique qu’annoncée par certains.
En effet, depuis quelques jours, les pires scénarii étaient avancés : dégradation de la notation de trois crans pour toutes les banques, quasi-faillite d’une d’entre elles,…
Tout y est passé.
Or, bien loin de ce marasme annoncé, Moody’s n’a dégradé que deux banques (Société Générale et Crédit Agricole) sur leur dette à long terme et, en plus, de seulement un cran.
Dans la mesure où ces banques étaient parmi les mieux notées de la zone euro, elles ne font ainsi que revenir au niveau de la grand majorité de leurs homologues eurolandaises, BNP Paribas restant au dessus du lot.
Pourtant, en dépit de ces relatives bonnes nouvelles, les cours boursiers des trois grandes banques françaises ont continué de reculer.
Depuis le début 2011, leur chute est impressionnante : -54 % pour la Société Générale, -42 % pour le Crédit Agricole et -36 % pour BNP Paribas.
Mais, si on élargit un petit peu l’horizon en remontant à septembre 2008, il ne s’agit plus d’une chute mais d’un écroulement exceptionnel : respectivement -71 %, -61 % et -50 %.
De plus, si en 2008-2009, leur dégringolade boursière pouvait s’expliquer par une prise de risque excessive et mal contrôlée, ainsi que par une crise de liquidités, il n’en est rien aujourd’hui. Depuis 2009, les banques françaises ont effectivement réduit leur exposition aux risques en tous genres, que ce soit en termes de crédit que de marchés.
Dans ce cadre, les banques françaises deviennent particulièrement bon marché et pourraient par là même constituer des proies faciles pour tous types de prédateurs, notamment étrangers.
Les capitalisations boursières de ces trois fleurons de la finance française sont d’ailleurs sans appel, dans la mesure où elles ne représentent qu’une partie congrue de leur fonds propres : 51 % pour BNP Paribas, 31 % pour la Société Générale et 28 % pour le Crédit Agricole.
La capitalisation boursière de ces trois banques réunies n’est plus que de 65 milliards, soit environ l’équivalent de la capitalisation de Sanofi.
Face à ces dérapages, que peuvent devenir les banques françaises ? Trois issues apparaissent envisageables.
La première est extrême et donc peu probable. Elle consiste en une sortie de la Grèce de la zone euro, doublée d’un défaut majeur, qui engendrera un risque d’explosion de l’UEM.
Si nous arrivons à une telle situation, il est clair que la grande majorité des banques françaises et européennes, voire mondiales connaîtront de graves difficultés financières, ce qui plongera la planète économicofinancière dans une crise historique qui mettra des années à se résorber.
Fort heureusement, ce scénario paraît peu probable, du moins à moyen terme.
A l’autre extrémité du prisme des possibles, une autre issue pourrait résider dans la sortie progressive de la crise grecque, ce qui renforcerait les banques françaises et européennes, tout en générant une forte correction haussière de leurs cours boursiers.
Enfin, la solution la plus probable se situe dans une apathie boursière durable (avec certes quelques rebonds), qui se traduira notamment par des mouvements de fusion acquisitions.
Compte tenu de l’approche des élections présidentielles, il paraît presque impossible que les autorités françaises laissent une institution étrangère prendre le contrôle d’une banque française. En outre, eu égard à une dette publique pléthorique, l’Etat français ne pourra pas nationaliser une ou plusieurs banques françaises.
Et ce, d’autant que l’Etat actionnaire est loin d’être un modèle d’efficacité pour les banques, comme l’a montré par exemple le triste cas du Crédit Lyonnais.
Voilà pourquoi il nous paraît de plus en plus envisageable qu’une fusion entre banques françaises se produise dans les prochains mois. Celle-ci pourrait concerner la Société Générale et le Crédit Agricole qui sont déjà liées sur certains métiers et notamment la gestion d’actifs.
Quant à BNP Paribas, le maintien de sa notation pourrait aussi lui permettre de faire quelques emplettes à travers l’Europe.
Tout cela nous promet donc encore pas mal de soubresauts et de volatilité sur les cours boursiers des banques françaises et européennes. A suivre…
Marc Touati
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