La cour d’appel de La Haye, a en date du 28 janvier 2014, décidé de lever l’interdiction et le blocage d’accès au site The Pirate Bay (téléchargement illégal) estimant ce blocage « inefficace ».
L’avocat Me Antoine CHERON « Dans un arrêt du 28 janvier 2014, la cour d’appel de La Haye a estimé que le blocage de l’accès au site de téléchargement illégal The Pirate Bay était inefficace et ainsi levé l’interdiction d’accès au site.
Pour mémoire, The Pirate Bay est un des plus grands sites de téléchargement illégal et a déjà été condamné à plusieurs reprises par la Suède, les Pays-Bas où encore le Royaume-Uni.
Le demandeur, la fondation BREIN qui défend les droits d’auteur, avait assigné en justice les Fournisseurs d’Accès à Internet Ziggo et XS4AII aux fins d’obtenir le blocage du site internet The Pirate Bay.
En 2011, le Tribunal avait fait droit à cette demande et contraint les FAI à bloquer l’accès au site de téléchargement illégal.
Les défendeurs avaient alors interjeté appel de la décision rendue en première instance.
La Cour d’appel, saisie de cette affaire, devait ainsi se prononcer sur le maintien du blocage du site de téléchargement.
Pour justifier sa décision, la Cour rappelle que le blocage d’un site internet
n’empêche pas la création de nouveaux sites via de nouvelles adresses URL.
La décision paraissait à l’évidence se diriger vers un maintien de l’interdiction. Étonnamment, et à l’opposé de la position actuelle des pays européens en matière de lutte contre le téléchargement illégal et la violation des droits d’auteur, la Cour d’appel a décidé de lever le blocage du site Internet.
Les magistrats justifient leur décision en considérant que le blocage du site n’est pas efficient et ne permet pas de lutter contre le téléchargement illégal.
Pour justifier sa décision, la Cour a ainsi relevé d’une part que les internautes contournaient ces interdictions puisque « les abonnés de ces fournisseurs font en fait principalement usage de proxy ou trouvent la parade via des sites de torrent alternatifs » ; d’autre part, elle rappelle que le blocage d’un site internet n’empêche pas la création de nouveaux sites via de nouvelles adresses URL. C’était précisément ce qui se produisait en l’espèce.
Cette décision s’inscrit en marge de la position des pays européens et notamment des juridictions françaises, lesquelles n’hésitent pas à interdire l’accès à des sites internet contrefacteurs et violant les droits de propriété intellectuelle.
Pour rappel, la justice américaine avait initié cette démarche dans l’affaire médiatique « Megaupload », ordonnant ainsi la fermeture du site internet Megaupload le 19 janvier 2012 pour violation des droits d’auteur. Ce site, proposait en effet aux internautes, le téléchargement et le visionnage gratuit de nombreux films cinématographiques sans avoir obtenu, au préalable, l’autorisation des auteurs pour proposer ces contenus.
Dans la lignée de cette décision, le Tribunal de grande instance de Paris a ordonné le 29 novembre 2013 et pour la première fois le blocage et le déréférencement de seize sites de streaming dont Allostreaming, Alloshowtv, Fifostream ou encore de Dpstream également sur le fondement de la violation des droits d’auteur.
La décision rendue par la Cour d’appel de La Haye est donc surprenante et isolée au regard de la position adoptée par ses homologues.
La motivation de l’arrêt peut toutefois être salués car les magistrats ont fait preuve de pragmatisme et soulevé les difficultés pratiques posées par la contrefaçon de droit d’auteur via Internet.
Il est, en effet, légalement inconcevable de condamner un contrefacteur par anticipation et pour des faits non commis au jour de la condamnation conformément au principe de légalité des délits et des peines, constitutionnellement garanti à l’article 8 de la DDHC.
Autrement dit, les magistrats pouvaient condamner The Pirate Bay uniquement pour la mise en ligne de contenus non autorisés matériellement constatés et sur le fondement de la contrefaçon de droits d’auteur. Ils ne pouvaient, pour l’avenir interdire la création de nouveaux sites via de nouvelles adresses internet.
En conclusion, cette décision rendue par les juges hollandais doit donc inviter le législateur, tant européen que français, à s’interroger sur la nécessité d’adapter notre droit aux nouvelles technologies et aux infractions croissantes commises via Internet » précise Me Antoine CHERON avocat associé du cabinet d’avocats ACBM Avocats à Paris, spécialisé en droit des affaires et en droit de la propriété intellectuelle / propriété industrielle.