Comme à chacune des conférences d’Annick Le Guérer, chercheur et commissaire d’expositions, celle du 3 novembre 2012 organisée à La Galerie de NicolaI¨( 25 rue de Montpensier – 75001) par la Société des Amis de l’ Osmothèque a connu un vif succès.
Cette conférence à laquelle assistait Sylvie Béry Guide-Parfumeur ( Detour des Sens) a été enregistrée afin de permettre de découvrir ou de revivre pour certains, ce moment et l’évocation de Georges Sand par Annick Le Guérer.
« Charles Baudelaire fait le même approche que Georges Sand
en ce qui concerne la relation du parfum et du souvenir »‘
Annick Le Guérer « Georges Sand est connue universellement en tant que romancière et féministe mais on sait beaucoup moins que c’était une très grande olfactive, qui a été très impliquée dans les rapprochements qui ont été faits entre le parfum et la musique.
Georges Sand a célébré les roses , les prairies fleuries de sa région du Berry, mais c’est en même temps une femme sulfureuse qui s’habille en homme, qui fume la pipe et qui empeste le cigare et en même temps dans sa propriété de Nohant , elle vivait des activités terriennes , elle aimait s’occuper de son jardin et elle passait des heures à écouter Chopin en respirant les roses de son rosarium.
Ses romans, sa correspondance attestent que dès l’enfance sa vie est placée sous le signe des odeurs et le jardin de sa maison de Nohant ou elle reçoit les écrivains et les artistes les plus célèbres de son époque , ce jardin est organisé comme un véritable nid parfumé.
Lorsqu’elle parle de ses amours, les notations et les métaphores odorantes sont au premier plan ».
Annick Le Guérer ajoute « Donc vous voyez , elle est vraiment sous le signe des odeurs, et elle-même d’ailleurs se surnommera avec humour , Pifoel qui est une allusion à son nez un peu long qui fera le bonheur des caricaturistes .
Cette particularité physique est mis en évidence dans cette caricature qui a été fait par son fils , Maurice Sand, et vous voyez ici son fils Maurice Sand qui a été croqué par Eugène Delacroix.
Alors comme je vous le disais , elle est placée sous le signe des odeurs et ses tous premiers souvenirs olfactifs sont placés sous le signe du suave et du nauséabond.
En 1808, elle a quatre ans , elle quitte Paris avec sa mère pour aller voir son père à Madrid, parce que l’Espagne est au bord de l’insurrection, et son père a été nommé aide de camp du Général Murat et dans les montagnes espagnoles, les Asturies, sa mère cueille des liserons et les lui fait sentir en lui disant: «respire les, cela sent bon le miel et ne les oublie pas» , je vais vous montrer les montagnes espagnoles et le liseron ».
« Alors c’est une expérience marquante parce que par la suite , Georges Sand ne pourra plus jamais sentir le liseron , sans se remémorer les montagnes espagnoles et le bord du chemin ou elle en cueilli pour la première fois. Et plus tard , elle comparera le souvenir , un parfum subtil dans un flacon scellé , vous voyez le rapprochement qu’elle fait entre le souvenir et le parfum.
Et cette relation privilégiée que l’odorat entretient avec la mémoire , et qu’avait bien vu Georges Sand sera célébré aussi par un contemporain de Georges Sand, Charles Baudelaire .
Charles Baudelaire fait le même approche que Georges Sand en ce qui concerne la relation du parfum et du souvenir.
Et dans les «Fleurs du Mal», il évoque les souvenirs qui jaillissent d’un flacon de parfum , «dans une maison déserte quelques armoires pleine de l’âcre odeur des temps, poudreuse et noire, parfois on trouve un vieux flacon qui se souvient, d’où jaillit, toute vive, une âme qui revient, voilà le souvenir enivrant qui voltige».
Alors Baudelaire bien qu’il détestait Georges Sand, il devait la trouver trop masculine , avait la même approche qu’elle en ce qui concerne les relations privilégiées que l’odorat entretient avec la mémoire, relations privilégiées qui sont dues au fait que l’odorat est lié aux zones du cerveau qui sont impliquées dans la mémoire et l’affectivité comme vous le savez.
Alors après les retrouvailles avec son père à Madrid, Georges Sand passe avec sa mère six semaines dans un très beau palais et la guerre se déchaîne à nouveau , et le retour en France est des plus pénible, parce que les routes sont jonchées de cadavres , cela c’est une bataille de Saumosierra en 1908 , Napoléon a gagné là, et donc lorsque Georges Sand revient avec sa mère en France, les routes sont jonchées de cadavres, victimes de la guerre mais aussi victimes de la famine et des épidémies.
Et pour protéger sa petite fille des épidémies, sa mère la traite d’une façon très particulière qui est révélatrice des conceptions médicales de l’époque. La mère de Georges Sand enduit la petite fille de souffre après chaque bain.
Donc elle l’enduit de souffre ce qui ne plaisait pas à la petite fille mais bien pire encore , elle lui fait avaler des boulettes de souffre dans du beurre pour la protéger justement des mauvaises odeurs , parce qu’à cette époque on pensait encore qu’on attrapait le choléra , qu’on attrapait la peste à cause des mauvaises odeurs qui étaient diffusées par les cadavres.
Et pour se protéger de ces mauvaises odeurs, il fallait utiliser soit le parfum qui était utilisé comme un médicament , et tout à l’heure vous sentirez certaines eaux qui étaient utilisaient comme des objets d’élégance mais aussi comme des médicaments .
Mais là en temps d’épidémies il fallait des odeurs très violentes pour faire face aux odeurs des victimes de la guerre et tout ce traitement par le souffre, et Georges Sand justement décrit dans son autobiographie, histoire de ma vie, ce souvenir traumatisant.
«Ma mère me soignait à sa manière, et au sortir du bain, elle m’enduisait de souffre de la tête au pied puis elle me faisait avaler des boulettes de souffre dans du beurre et du sucre, ce goût et cette odeur dont je fus imprégnée pendant deux mois m’ont laissé une grande répugnance pour tout ce qui me les rappelle».
Et pour arriver à supporter ces odeurs qu’elle trouvait répugnante , la petite fille pressait contre sa poitrine un bouquet de roses que lui donnait les villageois compatissants , et là le destin olfactif de Georges Sand est scellé, elle tiendra de la rose et du souffre.
Et du souffre assurément , lorsque pensionnaire à treize ans, chez les Dames Augustine Anglaise à Paris , elle rejoint le camp des élèves les plus indisciplinées, qu’on appelle les diables et elle infecte les autres élèves par ces émanations malodorantes , et donc elle confesse elle-même :
« j’ai scandalisé les jeunes ladies par ma mal propreté», elle écrit cela sur un livre de classe » a décrit Annick Le Guérer en citant ses propos.
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