Gilbert Collard, auteur de « Peut-on rire de tout ? » publié en 2000 aux Éditions Favre, s’est exprimé sur le site Internet de La Provence à propos des limites de ce qui peut être dit et aussi de l’humour dans les médias.
Les deux polémistes, Éric Zemmour et Stéphane Guillon ont ouvert le débat peut-on tout dire ou rire de tout ?
Collard : « En réalité, ce qui nous manque, c’est le duel. Je suis pour qu’on réhabilite le duel »
L’avocat Gilbert Collard : (…) Dès qu’un journaliste ou quelqu’un qui est issu de la société civile tente d’ouvrir un débat, d’introduire un élément de débat, une véritable censure s’abat sur lui. En revanche, les humoristes ont tous les droits.
C’était déjà le cas pour le sac crypté de Bernadette Chirac avec les Guignols sur Canal Plus ou avec les trisomiques et les crevettes, le sketch écrit par Gaccio pour Timsit. On peut se foutre impunément aujourd’hui de Johnny Hallyday ou de Michel Petrucciani. En réalité, ce qui nous manque, c’est le duel. Je suis pour qu’on réhabilite le duel ! (…)
Je ne comprends pas le procès qu’on fait à Éric Zemmour. Je ne dis pas qu’il a raison d’avoir dit ce qu’il a dit. Je dis qu’il a ouvert un débat. Ce qui me dérange, c’est qu’on ne puisse plus dire de choses qui relèvent du débat contradictoire. (…)
Bientôt, je crains qu’on ne puisse plus rien dire. Dès l’instant où cela n’est que méchant, on peut dire. Mais ce qui dérange, c’est quand la méchanceté a du sens. On peut débattre des choses autrement qu’en attaquant les gens en justice.
Toute société vit de la contradiction. Toute société où il n’y a plus de contradiction est soit une société morte soit une société totalitaire. On est en phase pré-totalitaire.
(…) quand un humoriste vous attaque, vous n’avez pas de droit de réponse possible. Comment lui répondre, comment lui apporter la contradiction dans la violence de l’attaque unilatérale? Sur une scène, le droit de réponse est immédiat.
C’est la sanction du public. Mais l’humoriste, lui, se cache, se protège derrière son micro, sa caméra. Ce qui est en cause, c’est l’unilatéralité de la télévision ou de la radio. Ce qui manque aussi énormément, c’est la grande dimension du talent. Les humoristes se prennent tous pour des Coluche, des Desproges ou des Le Luron.
Or on n’a plus que des besogneux de l’humour, des usiniers du rire, qui doivent chaque jour rendre leur copie.
Quand on pense au temps qu’Aristophane passait pour écrire une pièce ou Thierry Le Luron à peaufiner ses textes, on peut s’interroger.
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