La  possibilité d’une menace qui pèserait sur les spectacles de l’humoriste Dieudonné,  a été commentée par l’avocat Antoine Chéron : ( débouté  des demandes de sa cliente ( affaire Second Life))

 Me Antoine CHERON du cabinet ACBM.

Selon l’avocat Me Antoine CHERON du cabinet ACBM « La « quenelle », signe actuellement controversé reproduit par l’humoriste Dieudonné, est revendiqué pour ses partisans comme un signe anti – système alors que ses opposants y voient un signe antisémite représentant le signe nazi inversé.

« le risque de trouble devra être justifié

en chaque circonstance »

Quoi qu’il en soit, même si l’incertitude quant à l’origine, la définition et l’interprétation à donner du signe « la quenelle » divise les citoyens français, la classe politique semble, en revanche, beaucoup plus unie autour de cette problématique.

En effet, le gouvernement français a choisi de prendre lundi 6 janvier une « circulaire sur les spectacles de Dieudonné » afin de permettre aux maires et Préfet de prendre toutes les décisions nécessaires pour lutter et interdire les spectacles de l’humoriste.

Autrement dit, sous couvert du trouble à l’ordre public, ils pourront prendre toutes mesures dont des arrêtés préfectoraux ou municipaux en vue d’interdire la tenue de ses spectacles au cours desquels on peut l’y voir reproduire le signe de la « quenelle ».

Toutefois, le risque de trouble devra être justifié en chaque circonstance, à défaut de quoi de telles mesures s’analyseraient en une véritable censure de l’humoriste Dieudonné.

Or, nous savons combien la France et ses intellectuels sont attachés à la liberté d’expression protégée aux articles 10 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme et 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, véritable condition à l’existence d’une société démocratique.

Toutefois, nul n’ignore que la liberté d’expression n’est pas une liberté absolue et souffre de limites ; de sorte que son auteur peut voir sa responsabilité engagée dès lors que ses propos sont constitutifs d’une diffamation ou d’une injure.

L’opposition marquée entre Dieudonné et ses partisans, d’un côté, et la classe politique, de l’autre côté, n’a pas laissé l’Association SOS Racisme insensible.

Celle-ci a souhaité prendre part au débat et montré sa désapprobation à l’égard de la « quenelle » en annonçant qu’elle poursuivrait toutes les personnes qui reproduiront ce signe dans les lieux publics et symboliques pour la communauté juive sur le fondement de l’injure à caractère racial.

A ce titre, il convient de rappeler que l’injure est définie à l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 comme « Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ». L’injure publique, qualification de droit commun, est punie d’une amende de 12.000 €.

Toutefois, le caractère racial d’une injure constitue une aggravation de la qualification classique puisque l’article 33 de ladite loi prévoit que : « Sera punie de six mois d’emprisonnement et de 22 500 € d’amende l’injure commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».

A titre d’illustration, l’affirmation « les juifs, c’est une secte, une escroquerie. C’est une des plus graves parce que la première » a été considéré par la Cour de cassation comme une

injure raciale et ne relève pas de la libre critique du fait religieux, de sorte que la répression de ces propos est une restriction nécessaire à la liberté d’expression dans une société démocratique (Cassation  plénière 16 févr. 2007, no 06-81.785).

La difficulté est toutefois de savoir si le signe de la « quenelle » effectué devant ou dans un lieux symbolique pour les personnes de confession juive pourrait tomber sous le coup de la qualification d’injure publique à caractère racial.

On peut légitimement se rallier à cette idée à en croire la jurisprudence et la loi qui exigent seulement que la pensée de l’auteur, traduite par des propos ou des signes suggestifs doivent seulement être « outrageants ou méprisants ».

Effectivement, la jurisprudence a considéré que « l’apposition délibérée de croix gammées, insignes nazis symbolisant tout à la fois la pureté de la « race » et l’extermination raciale, sur un édifice du culte musulman, est grossièrement outrageant, et atteint nécessairement tant aux yeux des fidèles de ce culte qu’aux yeux de tout tiers, les musulmans en tant que tels » (TGI Paris, 17e ch., 20 déc. 2007, Légipresse 2007, I, p. 73, no 249-11).

Ainsi, dès lors que le signe est outrageant ou méprisant pour un groupe de personne à raison de leur appartenance ou non religieuse, alors la qualification d’injure publique à caractère racial pourra être retenue et l’auteur du geste réprimé sur ce fondement.

A l’heure actuelle, la qualification de la « quenelle » comme signe anti- système ou signe antisémite n’est pas tranchée et il reviendra aux magistrats de se prononcer sur ce point.

Néanmoins, on peut raisonnablement penser que ce n’est pas tant le signe en lui-même qui sera susceptible d’être sanctionné mais davantage sa réalisation dans des lieux symboliques pour la communauté juive » précise l’avocat Antoine CHERON du cabinet ACBM.

Voir aussi :  Avocat Antoine Chéron : le tribunal déboute la demande de sa cliente ( Second Life)

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