L’économiste Marc Touati a commenté vendredi 4 novembre 2011, l’actualité économique en zone et est revenu sur les décisions prises par Mario Draghi qui a pris ses fonctions à la tête de la BCE en succédant à Jean-Claude Trichet.
Marc TOUATI » Avec Draghi, la BCE n’a pas Trichet !
A ceux qui voulaient laisser croire que Jean-Claude Trichet n’était pour rien dans la stratégie extrémiste de la BCE, Mario Draghi vient de démontrer le contraire.
En effet, alors qu’il y a tout juste un mois, l’ancien Président de la BCE soutenait que le taux refi était à un niveau approprié et qu’il n’était pas envisageable de le réduire à court terme, son successeur a donc invalidé ce triste choix.
Certes, la baisse du taux refi n’a été que de 25 points de base, ce qui reste insuffisant si l’on veut sortir la zone euro
de la récession dans laquelle elle est en train de replonger.
La zone euro tout droit vers la récession.
Sources : Bloomberg, Eurostat, Fed
Cependant, la bonne direction a été prise : « Super Mario » ne suivra pas les traces de ses deux prédécesseurs et fera son maximum pour éviter de sacrifier la croissance sur l’autel de l’inflation.
Pour autant, il ne faut pas non plus crier victoire trop vite. Tout d’abord, parce que le taux refi de la BCE reste encore largement supérieur à ses homologues occidentaux, et notamment à celui du taux objectif des federal funds.
Ce dernier étant compris entre 0 % et 0,25 %, les mouvements de carry trade (emprunts de dollars à court terme pour acheter des euros mieux rémunérés) risquent de se poursuivre. Ce qui empêchera une dépréciation significative de l’euro.
Autrement dit, pour vraiment relancer la croissance, la BCE doit amener son taux refi à 0,5 % au plus vite.
Cela permettra de favoriser un retour de l’euro sous les 1,20 dollar, tout en améliorant les conditions de financement de l’investissement et de la consommation.
Ces évolutions soutiendront alors automatiquement l’économie eurolandaise qui pourra sortir de la récession et retrouver le chemin d’une croissance appréciable.
Le taux refi est encore trop élevé par rapport à ses homologues.
Malheureusement, il n’est pas possible d’attendre des performances exceptionnelles.
Tout d’abord, parce que la croissance structurelle de la zone euro se situe autour de 1,3 %. Autrement dit, tant que des réformes structurelles en matière de gouvernance économique n’auront pas été généralisées à l’échelle de l’UEM, la progression du PIB restera bridée.
La BCE doit encore agir pour permettre à l’euro de passer sous les 1,20 dollar.
Sources : Eurostat, Fed, Datastream
Ensuite, quelle que soit l’issue de la crise grecque, la zone euro et les pays qui la composent n’en sortiront pas indemnes.
Ainsi, en dépit de l’assouplissement monétaire de la BCE, les taux longs resteront élevés, limitant par là même la reprise économique.
Des taux longs toujours très dangereux.
Taux d’intérêt des obligations d’Etat à 10 ans.
Source : Bloomberg
Enfin, dans la mesure où toute action de politique monétaire ou de changes prend environ six à neuf mois pour agir sur l’activité, la zone euro ne pourra pas éviter de repasser par la case « récession », avec tous les dangers sociaux et politiques que cela engendre. Et ce, en particulier dans l’Hexagone, qui va s’engager dans une campagne présidentielle qui laissera forcément des traces.
En conclusion, si la décision de la BCE présidée par M. Draghi était nécessaire, elle est loin d’être suffisante pour permettre à la zone euro de sortir rapidement de la crise. Il faut donc s’armer de patience, en espérant que si l’Italie s’illustre positivement à la BCE, elle ne sera pas le prochain « maillon faible » de la zone euro ».
Marc Touati
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