L’avocate Me Murielle-Isabelle Cahen spécialisée notamment dans Internet et les domaines de la contrefaçons de marques, achats sur Internet, noms de domaine, photographies, sites Internet, diffamation, injures sur internet est à l’origine de nombreuses jurisprudences.
Me Murielle-Isabelle Cahen a répondu sur lemediascope.fr à nos questions et a réagi à la récente décision de la Cour de de Cassation qui considère que Facebook est est lieu privé et qu’en cas d’injures, celles-ci ont un caractère privé.
Avec le développement d’internet, quels sont les litiges dont vous constatez qu’ils ont tendance à se développer ?
Me Murielle-Isabelle Cahen : Je dirai qu’il y a deux sortes de litiges qui se développent ; il y a d’une part la diffamation et de l’autre l’injure, qui étaient avant uniquement du domaine du journalisme ; qui se passaient dans les journaux, et les personnes privées et les sociétés – il y avait beaucoup moins de faits- et d’autre part la concurrence, dénigrement, et contrefaçon.
Pour quels litiges êtes-vous le plus régulièrement consultée ?
Me Murielle-Isabelle Cahen : Il y a plusieurs types de litiges, les problèmes liés à la consommation, quelqu’un qui a acheté un objet sur internet qui n’est pas conforme, qui n’est pas livré, cela se développe aussi énormément, maintenant que s’est développé le commerce sur internet avec aussi un nombre également très important d’escroqueries.
L’auteur d’une photo doit-il forcément prouver qu’il détient l’original pour intenter une action en justice?
Me Murielle-Isabelle Cahen : En droit Français, quand on se prétend auteur, on est considéré effectivement comme étant l’auteur mais il vaut mieux devant un tribunal pouvoir le démontrer.
Il faut donc marquer les photos d’un tatouage pour démontrer que c’est bien votre photo ou vous conservez l’original ( avec le système numérique c’est plus difficile) ou sinon il y a plusieurs sortes de systèmes pour démontrer que c’est bien vous qui avez pris la photo.
C’est plus simple en cas de contrefaçon de démontrer que l’on est l’auteur.
La loi ne l’impose pas mais les juges pour vous reconnaître le droit d’auteur ont besoin d’avoir des preuves.
Le mandat du sujet photographié est-il nécessaire en cas de litige ?
Me Murielle-Isabelle Cahen : Oui, la personne qui se fait photographier doit donner son accord et son consentement, il faut qu’elle signe un document d’autorisation de se servir de son image.
Si le photographe n’a pas ce document, la personne qui va retrouver son image avec cette photo pourra attaquer le photographe pour utilisation abusive de son droit à l’image.
La personne photographiée à un droit moral sur son image. Donc pour utiliser son image il faut une autorisation.
Est ce que le nombre de fois vu de l’article ou de la photo en cas de contrefaçon importe en cas de litige ?
Me Murielle-Isabelle Cahen : Il est évident que pour un tribunal , si la photo est vue une ou deux fois par rapport à 500 fois, le montant des dommages et intérêts va varier en fonction du préjudice. Parce que le préjudice moral et financier sera beaucoup plus important.
Alors que si seulement 2 ou quelques personnes ont vu la photo , le préjudice sera moindre.
Quelles conséquences va avoir la décision récente de la cour de cassation liée à Facebook ?
Me Murielle-Isabelle Cahen : La décision de la Cour de cassation du 10 avril 2013 sur Facebook n’a pas de rapport avec le droit à l’image.
Mais cet arrêt de la cour de cassation est effectivement très intéressant ; jusqu’à présent on avait tendance à penser que tout ce qui se publiait sur Facebook était du domaine public.
Or là, la Cour de cassation fait bien la différence entre le groupe «d’amis restreints» dans lequel des propos peuvent effectivement être dits et diffamatoires, mais qui sont du domaine privé.
Donc cela c’est de la diffamation non publique, contravention de cinquième classe punie par une amende de 38 euros.
Alors que sinon on considérait que des propos diffamatoires tenus sur Facebook étaient de la diffamation publique et on se retrouverait devant le Tribunal de grande instance avec des amendes, des dommages et intérêts et éventuellement des peines de prison.
En matière de contrefaçon est ce qu’un photographe professionnel a une obligation de vigilance renforcée à l’égard de l’utilisation de ces photos ?
Me Murielle-Isabelle Cahen : Oui bien sûr le photographe professionnel a une obligation de vigilance supérieure par rapport à un particulier ou même par rapport à un autre professionnel d’une autre activité.
Et ça le juge fait bien attention à cela et fait bien la distinction entre un professionnel et un particulier.
Plusieurs jurisprudences rappellent que le professionnel a une obligation de vigilance renforcée, et supérieure à celle d’un non professionnel. Et cela concerne tous les domaines.
Quelle réparation financières accordent les tribunaux ?
Me Murielle-Isabelle Cahen : Cela dépend. Pour la diffamation, cela dépend de qui est diffamé.
Si c’est quelqu’un de connu, si c’est quelqu’un de pas connu, si ça a été très répandu, si la diffamation est vraiment très très importante ; on n’est pas aux Etats-Unis donc on n’a pas un million d’euros pour un problème de diffamation.
C’est plus entre un euro symbolique ou cinq, quinze, vingt, ou trente mille euros.
Et pour les photos, si la personne prise en photo est connue, une actrice éventuellement aura une réparation de préjudice plus élevée que quelqu’un qui n’est pas connu.
Mais aussi devant les tribunaux, le nombre de fois où la photo a été vue est pris en compte. C’est en moyenne entre mille et dix à quinze mille par photo.
Quels sont les problèmes fréquents liés à la concurrence déloyale?
Me Murielle-Isabelle Cahen : Cela dépend, entre deux sites internet , quand on parle de concurrence déloyale, il y a plusieurs types de concurrence déloyale.
Il y a la concurrence déloyale pour prendre des clients parce-que vous copiez des textes et il y a aussi la concurrence déloyale si vous avez des noms de domaine qui se rapprochent voir même semblables .
En quoi une photo peut-elle bénéficier de la protection intellectuelle ?
Me Murielle-Isabelle Cahen : Une photo est une œuvre intellectuelle par sa nature même, à partir du moment où elle est originale.
Vous pouvez très bien prendre une photo qui existe et la retravailler même si vous êtes parti d’une photo ou d’une oeuvre déjà existante, vous allez vous retrouver avec une nouvelle œuvre existante et vous allez regarder si il y a une nouvelle originalité en plus ou pas.
Pour un juge l’originalité, c’est la création. Si il y a une création réelle, qui montre que c’est une œuvre originale.
C’est le travail des juges d’apprécier l’originalité d’une photo ou d’une œuvre mais c’est une notion qui est dans la subjectivité et qui est jugée au cas par cas.
Quelles décisions récentes avez-vous obtenu dans ces domaines ?
Me Murielle-Isabelle Cahen : Je veux parler de quelques décisions que j’ai obtenu, qui concernent la concurrence de marques et la concurrence déloyale.
L’une d’elle concernait par exemple un nom de domaine et une marque déposée qui s’appelait «or en ligne» et la personne qui l’avait déposé, bloquait tous les gens qui voulaient ou bijoutiers qui voulaient utiliser des ad-words avec des utilisations «or en ligne».
Parce qu’à l’époque, Google, à partir du moment, ou une personne avait déposé, on avait pas le droit de s’en servir avec les Google ad-words, ça a changé, mais c’était comme cela à l’époque.
Et le tribunal a considéré que «or en ligne» était quelque chose de trop vague pour pouvoir être protéger en tant que marque.
Donc, en conséquence, ils ont annulé la protection de la marque car c’était un terme générique.
Ce que je disais tout à l’heure pour les photos cela vaut pour les marques.
Les juges doivent mesurer si c’est suffisamment original pour être protégé.
Par exemple, j’ai eu un autre dossier qui s’appelait « c….. d’amateurs», où le site s’appelait «c… d’amateurs» et une autre société qui avait le même nom qui a attaqué la première société ; le tribunal a estimé que ce n’était pas suffisamment original, que c’était des termes de la vie courante et que ça ne devait pas être protégé en tant que marque.
J’ai une autre décision, où vous aviez la marque «P.. et métal» qui était associée avec le nom de domaine «p… et métal.com».
Un concurrent a déposé un nom de domaine «p… métal bijoux.com» et «p….argent .com», et dans ce cas là le tribunal que «p…. et métal» était original et méritait d’être défendu par « p…. métal bijoux» et «p… métal argent» et ce, au niveau de la contrefaçon et de la concurrence déloyale.
Quel est le rapport entre l’INPI et les noms de domaine ?
Me Murielle-Isabelle Cahen : l’INPI s’occupe du dépôt des marques , mais l’INPI à partir du moment où vous avez déposé une marque ne vérifie pas si la marque doit être protégée ou pas.
Donc les gens qui se disent «oui j’ai déposé ma marque à l’INPI donc je suis protégé» non, vous êtes protégé jusqu’à ce que quelqu’un fasse une action , éventuellement en concurrence déloyale ou en contrefaçon.
Il faut savoir que la marque et le nom de domaine, ce n’est pas du tout la même chose.
La marque est déposée à l’INPI pour dix ans, c’est un nom et il n’y a pas en général les suffixes comme «.com, .fr ou autres».
Le nom de domaine est une location pour un an qui doit-être renouvelée ou pas, et pour les noms de domaine, la règle c’est: le premier arrivé, le premier servi.
Donc même si une marque est déjà déposée à l’INPI, le nom de domaine qui correspond vous pouvez le déposer. On vous dira rien au moment du dépôt.
Par contre le propriétaire de la marque aura le droit de vous attaquer en contrefaçon de marque parce que vous avez déposé un nom de domaine qui reprend ou des éléments de la marque, ou la marque elle-même.
Est-ce que vous considérez qu’il vaut mieux un mauvais arrangement qu’un bon procès ?
Me Murielle-Isabelle Cahen : Effectivement, il vaut mieux un mauvais arrangement qu’un bon procès mais je précise tout de même que cela dépend des cas. ( Interview exclusive pour lemediascope.fr)
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